temps de lecture 5 minutes – Par Anne
Où mène ce si petit chemin perdu dans les dunes ?
Je m’y aventure tel un douanier en quête de bonne fortune…
De mon promontoire je guette. Rien à l’horizon si ce n’est la mer à perte de vue.
Calme aujourd’hui. Elle est loin. Je me l’imagine lors des grandes marées venir lécher ce cordon dunaire.
Nous sommes en novembre. L’air est doux.
Le bruit lointain du ressac laisse place de temps à autres à des trilles enchanteurs. Des petits oiseaux vivent là, bien abrités sous cette végétation drue.
La pluie d’hier a laissé quelques traces. Ses gouttelettes parent les feuilles tels des colliers de perles.

Le chemin serpente et je ne me lasse pas du paysage. Les nuages cotonnent le ciel. Le soleil perce et là, la voile du bateau au large apparait toute blanche.
Quelques promeneurs ont préféré la plage pour s’adonner à la marche ou à la course.
Moi je préfère ce chemin qui zigzague.
Oh tiens encore des mûres ! La couleur rouge sombre égaie joliment ce camaïeu de vert.
Sur ma gauche des chevaux paissent paisiblement aux abords du marais de Graye-sur-mer.




Mes pas me conduisent vers un bâtiment qui me semble bien incongru en ce lieu si sauvage. Il est comme posé sur la dune. Il s’agit d’un ancien préventorium. Les personnes souffrantes venaient y respirer l’air iodé.


Les pieux en bois plantés dans le sable sur ma droite et aperçus à marée basse sont d’anciennes pêcheries.
Je dois emprunter le chemin à gauche mais mon regard est attiré au loin par ce qui me semble être un ancien blockhaus.


Je décide d’aller le voir de plus près. Je le trouve étrange car il est basculé sur l’estran.
Une nouvelle preuve du recul du trait de côte…




Mes yeux se posent sur ce qui me semble être du bois enterré dans le sable. Chouette du bois flotté… en réalité je suis devant les restes de la forêt de Quintefeuille. Celle-ci s’étendait de Luc-sur-mer à Arromanches 10 000 ans avant Jésus Christ.
Elle a fini par disparaitre vers – 4 000 avant JC. La raison ? La montée du niveau de la mer.
Je rebrousse chemin vers le préventorium et gagne la route que je traverse en direction du hameau de Vaux le Bisson…
J’ai à peine marché 400 mètres. Je suis dans les marais. L’odeur du sous-bois me transporte dans un nouvel univers. La dune est si modeste que je suis passée de la plage au marais sans transition.
Je n’ai plus l’horizon à perte de vue. De jolis roseaux mordorés me dépassent. Ce tableau, coloré de vert et de beige, est égayé par des baies d’aubépine bien gourmandes.




Après quelques pas je tourne à gauche. Je suis dans le chemin du Flouet.
Tel un méandre, ce petit canal creusé pour réguler le marais borde joliment ce chemin ombragé. Les lentilles d’eau recouvrent par endroit sa surface.
On dirait un tapis molletonné.


J’aperçois au loin un faisan. Dommage qu’il soit si farouche. J’aurais aimé photographier son plumage chatoyant.
Je me sens comme coupée du monde.
Dans ma bulle de bien-être. Aucun bruit.
Que l’eau qui glougloute.
Pourtant de nombreux oiseaux migrateurs sont hébergés dans ce marais. Ils ont déjà dû s’envoler vers de lointaines contrées. Ils seront de retour au printemps c’est sûr.
Il parait que le marais abrite aussi la libellule à nervures rouges, espèce rare, visible dans très peu de lieux.

Au bout du chemin, je suis parachutée dans la vie quotidienne. Je dois traverser un petit lotissement. Ouf c’est rapide.
Ici un panneau m’explique le parcours de la 7ème Brigade Britannique.
A moi les grands espaces. Sur les hauteurs, les champs labourés et semés en prévision des futures récoltes permettent une vue dégagée de Courseulles.
A l’horizon, la mer à perte de vue. J’imagine ce lieu dans quelques mois, il fait chaud, la brise rafraichissante fait onduler les blés.
Quelques pas et je suis de nouveau cachée…

La ramure des arbres qui bordent ce chemin s’entrelace et a imaginé un toit de verdure. C’est comme si une haie d’honneur m’était faite. Ça et là quelques mûres oubliées feront le régal d’un petit animal.
La Seulles : je suis son lit et ses méandres. Les nuages se reflètent sur ses eaux sombres. Je m’arrête pour admirer. Je suis devant un tableau digne d’un impressionniste. La nature offre de bien belles surprises.
La croix de Lorraine au loin, tel un amer, darde des reflets argentés.
Elle rappelle le retour du Général de Gaulle sur le sol français le 14 juin 1944.



A ses côtés le moulin de l’île de plaisance a perdu ses ailes. A ses pieds, les parcs à huitres sont les témoins du glorieux passé ostréicole de Courseulles.
Ressourcée par cette promenade iodée, je suis sereine, apaisée et émerveillée. Je garde en mémoire tous ces paysages si différents que j’ai pu admirer en seulement quelques kilomètres.